Nos vies
Régler nos montres, courir vite, écrire en boucle et prendre la fuite.
Virer de bord au gré de leurs films, crier famine au marchand de Venise.
OEuvrer sans fard au creux des dunes, chercher sa route, décrocher la lune.
Sortir à l'orée d'un sursaut, croire en leurs songes, épargner les accrocs.
Planter des quilles près du caniveau, toujours attendre et singer leur démo !
Dormir dehors, frôler l'erreur, sommeil d'errant pavé de guimauve.
Nos frelons dingues ont peine à vivre au coeur de la locomotive.
Des rails à n'en jamais finir ! La corde à l'âme, ils nous obligent...
On passe nos vies sur les divans de vos salons des quatre vents!
Ils passent nos vies dans les écrans de ce manège ahurissant!
Ils passent nos vies à la machine à formater nos origines !
On passe nos vies dans la prison de ce système abrutissant !
Prier cent diables entre deux rives et tourner la page avec nos griffes.
Rafler la mise, tomber dans leur deal, sourire de flic et boule de suif.
Les os grésillent au firmament des astres ternes de leur siècle.
Que feront-ils de nos tourments ? Les pendus souillent leurs fenêtres.
On passe nos vies sur le tarmac à prier qu'un avion démarre.
On passe nos vies sur les brancards des ambulances de nos histoires.
On passe nos vies sur les parkings, dans les vitrines, les officines.
On marche au vide, les coeurs patinent ! On crève ensemble ou tu décides.
On passe nos vies...
De mal en pis, la ville implose. Au coeur des hommes: apothéose!
Gratter le souffre au bord des cils et découvrir leurs tristes mines.
Auprès des arbres sans racines, on trouve encore leur marchandise.
Echantillons soporifiques et de l'Afrique plein leurs valises.
Edulcorez ! Ouaih, c'est leur message.
Camisolez les plus tenaces et sales !
Eradiquez-moi la racaille et donnez des larmes à ces dames !
Gens de la ville, dormez tranquilles ! On vous protège en un coup d'fil !
Et les émeutes ont peine à vivre de Cuba jusqu'à Tel Aviv !
Et les émeutes ont peine à vivre de Cuba jusqu'à Tel Aviv !
On passe nos vies ...
Bon citoyen
T’as bien acheté le gilet jaune et le petit triangle rouge.
La pression des pneus c’est cool, bon citoyen.
Tu tries les déchets comme un chef, comme un videur en discothèque.
Mélange pas torchons et serviettes, bon citoyen.
Et quand tu te laves les dents tu voudrais sauver la planète
Mais tu esquives tous les mendiants qui traînent en bas d’ta supérette…
Bon citoyen…Ouaih c’est bien…
T’as mis les gosses dans le privé : les profs, ils font toujours la grève!
Tu veux même plus t’faire agresser, bon citoyen.
T’as refusé d’manifester, le service minimum c’est bien.
Comme ça tu peux partir bosser pour te faire virer comme un chien.
T’as le maillot d’l’équipe de France: allez les Bleus ! Faut qu’on balance!
Les Ritals c’est des comédiens, bon citoyen.
Bon citoyen… ouaih c’est bien…
T’as rendu les impôts à temps, t’arrête la clope au restaurant
et tu t’hydrates au célestin, bon citoyen.
Tu t’es inscrit au club de gym, tu fais du step et du stretching.
Toujours d’accord pour un régime, bon citoyen.
Tu connais bien ta Marseillaise, en droit pénal t’es trop balaise
et t’as dénoncé ton voisin, sacré bon citoyen.
Tu marches au pas républicain, celui de Bouygues et Tf1.
T’es fier et t’aimes pas les Roumains, bon citoyen.
T’as donné pour le Téléthon, les Enfoirés, les pièces marrons
et t’as donné pour les pim-pons, bon citoyen !
Bon citoyen… ouaih c’est bien…
En bas d’chez moi
Viens faire un tour en bas d’chez moi !
En bas d’chez moi, y’a cet homme amaigri
qui nous jouait de l'orgue de barbarie :
ça donnait l'impression de changer de siècle
et par les fenêtres, on lui jetait des pièces ….
En bas d'chez moi, y'avait des caravanes
qui, pour moi, rendaient beaux les platanes.
On marchait droit sous le poids des cartables
et le trottoir étroit n'en menait pas large.
Pendant la nuit, j'entends des gens qui toussent
et le train qui va jusqu'en Italie.
Qu'est-ce qu'on est libre sur la pente douce !
Quant aux ennuis, tu leur creuses un joli lit…
En bas d'chez moi c'était la même chose:
y'avait personne pour changer les choses.
Fallait pas trop s' creuser les méninges
mais juste avoir un nouveau bermuda.
Quand au balcon, elle étendait son linge,
on faisait coucou à tata Linda.
En bas d’chez moi, en bas d’chez toi… c’était en bas d’chez nous !
En bas d’chez moi, en bas d’chez toi… c’était en bas d’chez vous !
Dans l'ascenseur, on pense au travail …
7h, ça sent l'ail à tous les étages.
Et y'a la mère au petit Gillou qui braille
et réveille tout l'immeuble avec ses bavardages.
A l'époque, on n’avait pas les I-phones,
ça rigolait quand même à l'interphone.
En appuyant bien sur tous les boutons,
on déclenche des dialogues intermittents.
Et puis des fois, c’était moins marrant…
alors là, je sonnais chez mes parents….
A l’interphone, en bas d’chez moi ….
…Allô maman, écoute, il ya les grands !
Eh ben, tu sais ils m'ont pris mon ballon !
Tu me l’avais payé ya pas longtemps
et puis tu sais, j'ai plus celui d'avant !
Allez mon fils, t'inquiète pas
et monte vite que j’ ouvre la porte.
« Fais pas cas ! », comme on disait bien chez moi,
il faut que tu partages avec les autres.
En bas d’chez moi…
Avec le temps, j'allais plus trop souvent
en bas d'chez moi : c'était plus motivant.
Déjà petit, j'aimais pas trop les gens
et je rêvais de ressembler au vent.
Je préférais rester à la maison
pour les rêves et révisais mes leçons.
Je restais donc avec mes éléphants,
mes chimères et mon imagination.
En bas d'chez moi, maintenant ya plus d'enfants.
C’est des géants, ils savent plus ce qu’ils font.
En bas d'chez moi, maintenant ya plus d'enfants.
C’est des errants, ils savent plus où ils vont …
En bas d’chez moi, c’est désespérant.
En bas d’chez moi, en bas d’chez toi… faut l’dire en arrivant
En bas d’chez moi, en bas d’chez toi… en bas d’chez moi c’était avant
Enfances
Des lits de laine aux reflets bleus, du sable terne au creux des yeux
Dans les allées grisées de pluie.
Des chemins d’or ou de poussière dans le soleil glacé d’hiver
Et l’encre humide au bord du nid.
Des paysages imaginés, respirés dans l’herbe mouillée.
Voler du vent dans les collines.
[Des délices happés pour de vrai, sourire en berne acidulé
Souffler sur les ondes salines.]
Just playing outside… like a little child
Vie de silence au bout des lèvres, aspirer le vide des rêves
Et filer le sel de la nuit.
Les fougères ont caché nos têtes et le ciel a remis sa veste
De platine endolorie.
Les oliviers prennent racine, un souvenir que l’on rumine
Et le manège s’est endormi.
Des horizons floutés de signes et l’avenir au bout du fil
Au creux des âmes ennemies.
Just playing outside… like a little child
Pistes de feu tourbillonnantes et ruisseaux d’anis ou de menthe
En soufflant jusqu’à l’Italie.
Sourire aux quatre coins du cœur, un cerisier dans le moteur
Et voir le monde en italique.
Des perles de verres sur la grille, sortir indemne de sa coquille
Et marquer son nom sur la brique.
[Des cercles verts et volatiles aux portes des « ainsi soit-il »
S’ouvrir aux sons des mosaïques.]
Just playing outside… like a little child
Lonely singer
J’ai besoin d’un batteur qui donne plus de coffre à mes textes
Charley(ston) caisse claire, plus de corps à mon univers.
Besoin d’une guitare ou deux pour des chansons moins sèches
Et en plus d’une corde à mon arc, j’aurais des flèches.
Besoin d’une basse bien grasse qui surgisse de nulle part
Sur laquelle je peux m’asseoir comme sur une balançoire.
Besoin de congas maracas du spice jusqu’à Caracas,
Des claves, des batas, bongo dans mon espace.
Besoin même d’un violon qui pleure et swingue à la manouche
Et besoin de choristes, vu ce qui sort de ma bouche.
Besoin même d’un gospel pour un côté spirituel
Mais pour l’instant rester seul est mon rituel.
(‘cause I’m a) lonely singer, lonely singer
I’m lost in the middle of a crowded world
Besoin d’un saxophone, un peu de Nouvelle Orléans
Besoin d’un vibraphone ou résonnance des balafons
Besoin de quelques vinyles et des amplis dynamiques
Du mix et des platines pour moderniser ma musique.
Besoin d’un studio d’enregistrement,
Besoin d’un arrangeur, un ingénieur du son.
Besoin d’un public pour aimer mes chansons,
Besoin d’esprit critique et de meilleures émotions.
Besoin d’une maison de disque qui lâche du leste
D’un avocat qui puisse défendre mes textes.
Besoin d’un slogan, d’un logo, d’un agent
Et surtout besoin d’avoir de la chance.
Mais pour l’instant rester seul est mon rituel.
(‘cause I’m a) lonely singer, lonely singer
I’m lost in the middle of a crowded world
Les gens
J’aime pas les gens qui pavoisent à tout va, rutilant d’arrogance et de ternes éclats.
Mes pavois sont en berne et depuis ce temps-là, je n’aime pas les gens…
J’aime pas quand la boulangère me fixe
et demande « Avec ça ? » d’un air faussement courtois.
Tout ça pour arracher quelques pièces de plus et piquer dans les bourses des clients pantois.
J’aime pas les gens des guichets dans les gares qui plissent des yeux quand je parle trop bas,
Comme s’ils avaient mal au regard de ma voix. Pour le prochain départ, je ne partirai pas.
Je préfère la pluie qui souligne les courbes des vieilles maisons.
Je révère la nuit qui recouvre la ville de ses yeux d’enfants.
Je résonne d’envie quand je pense à ces vagues que sème le vent.
Lové dans l’infini, ruisselant de soupirs, j’aime pas les gens.
J’aime pas ces gens dans les files d’attente
qui poussent et qui pressent et qui pestent sans cesse.
Dans mon cou, je sens leur souffle irrévérent
qui m’indigne et m’écœure au point de ficher le camp.
J’aime pas ces drilles doublés de mystère qui font rire la masse pour mieux la faire taire,
Inhibant les prémisses d’un esprit déviant, réduisant la révolte à des bouts de chiffon.
J’aime pas pas ces couples qui s’entre-caressent à la vue des passants ou dans les bus en liesse.
J’aime pas ce groupe de cinq étudiants qui beugle sans vergogne au rayon des boissons.
S’imaginant ivrognes, ils frétillent, impatients de fêter le weekend comme des braves gens.
Alors, on se bouscule, on recompte les pièces pour finir à la caisse avec une seule bouteille
Qu’on se partagera dans la nuit sur un banc. Avec une bière tiède, j’aime pas les gens.
Je préfère la pluie qui souligne les courbes des vieilles maisons.
Je révère la nuit qui recouvre la ville de ses yeux d’enfants.
Je résonne d’envie quand je pense à ces vagues qui sèment le vent.
Lové dans l’infini, ruisselant de soupirs, je n’aime pas les gens.
J’aime pas quand les policiers me questionnent
et sans raison valable, ils arrêtent et contrôlent
Tous ceux qui les troublent ou ne conviennent pas.
Ils vous cherchent des poux dès le moindre faux-pas.
Et ces badauds idiots, tout près du caniveau, qui assistent au banal, tel un troupeau de veaux
dont l’unique préoccupation du moment reste de pérorer sur ce qu’ils voient bêtement.
Je préfère la pluie qui souligne les courbes des vieilles maisons.
Je révère la nuit qui recouvre la ville de ses yeux d’enfants.
Je résonne d’envie quand je pense à ces vagues que sème le vent.
Lové dans l’infini, ruisselant de soupirs, j’aime pas les gens.
Mouettes
Les cris se mélangent et l'ennui nous ronge...
Des idées qui vous dérangent.
Le ciel est immense, vaste d'élégance
et nos vies qui se balancent.
Etouffez l'absence d'une pertinence
et nos vies n'ont plus de sens.
Mais j'entends qu'elles m'appellent,
me tournent autour et s'envolent à tire d'ailes.
Et j'attends qu'elles ramènent
mes sens à la vie bleu ciel.
Mais quel est ce monde accablant
qui nous prend de court et nous vend
toutes sortes de faux semblants ?
Mais quel est ce monde insolent
qui nous fait la cour et nous prend
ce que nous avons de plus innocent?
Quel est ce manège qui nous en dit long
sur les sortilèges que nous effilons?
Les cris se mélangent et la vie dérange
nos élans de négligence.
Tomber dans l'errance au milieu des gens,
refuser l'avance et le temps.
Prisons de poussières d'izées* éphémères.
Ecouter la mer et le vent.
Mais j'entends...
*idées volatiles comme les alizées